Observatoire Citoyen de l’Assemblée Nationale du Sénégal

1 - Contexte

L’opinion publique a de l’Assemblée Nationale du Sénégal une perception négative. Cette image persiste encore assez largement malgré la volonté de rupture proclamée au lendemain de chaque nouvelle législature.

En effet, le Sénégalais lambda considère que ses députés sont payés à ne rien faire, travaillent très peu, absentéisme, faible participation aux travaux des commissions, peu de commissions d’enquêtes parlementaires, de missions d’évaluations des politiques publiques ou encore de propositions de loi. Non seulement ils nous paraissent inactifs, mais en plus nous trompent car ils reçoivent indûment des indemnités sans jouer le véritable le rôle dévolu par la constitution du Sénégal.

Ainsi, l’institution est assimilée à :

  • Une simple chambre d’enregistrement avec des majorités mécaniques se contentant de faire passer, comme lettre à la poste, les désirs et les décisions du Président de la République ;
  • Une institution budgétivore, sans grande utilité ni impact réel sur la situation et le devenir concrets des populations ;
  • Une niche de sinécures, destinées à récompenser ou à caser des politiciens plus ou moins influents.

La douzième législature (2012-2017), n’a pas fait évoluer positivement cette perception de l’assemblée nationale malgré, le bilan brandi par le Président de l’assemblée nationale. Elle a fait l’objet de critiques véhémentes de la part d’une bonne partie de l’opinion. Et pour cause, aucune initiative parlementaire pour mettre en œuvre la mission de contrôle de l’exécutif et d’évaluation des politiques dévolue au législatif, en outre, l’hémicycle de la place Soweto a été le théâtre d’invectives, de disputes et de querelles durant ces cinq années de mandature. Les nombreux coups d’éclat, prises de bec et joutes oratoires ont brouillé l’image de l’institution parlementaire auprès de l’opinion publique.

Le député lui-même se plaint très souvent d’être obligé de se comporter comme une institution ambulante d’œuvres sociales, sollicité qu’il est, en tout lieu et en tout temps, par des militants confrontés à des problèmes sociaux, sans pour autant disposer de moyens financiers et matériels suffisants.

A ce jour le clientélisme politique et la personnalisation du pouvoir demeurent si prégnants­ que l'attente de l'électorat se résume­ encore à­ la recherche des rétributions personnelles sous forme d'emploi, d'argent, comme réponse à son soutien politique au député.­ La plupart des députés s’inscrivent­ ainsi dans une logique de carrière et non de mission. Ils minimisent la prise de risque pour assurer leur réélection et abdiquent trop souvent devant les difficultés à mener les réformes. Aussi, ils s’adaptent à l'attente de leur électorat pour assurer leurs réélections. Ainsi, point de redevabilité du député, encore moins de contrôle citoyen de son activité.

A ce constat, il faut ajouter le manque de transparence budgétaire. Combien coûte la représentation nationale et comment se répartissent les dépenses ? Comment est utilisé le budget ?

Aujourd’hui, les données sur le budget de l’assemblée nationale sont confuses et opaques. L’Assemblée nationale a un budget 2017 arrêté à la somme de 14 milliards 134 millions 506 mille F CFA contre 13 634 506 000 en 2016. La questure qui dirige les services de la­ trésorerie et de comptabilité a toujours géré le budget sans aucun contrôle, ni interne, ni externe car la commission de Comptabilité et de contrôle de l’Assemblée nationale n’a jamais pu exercer, conformément à ses prérogatives, sa mission de contrôle.

Tout se fait sans publication contrairement aux dispositions des articles 6.4 et 6.6 de la loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de Transparence dans la Gestion des Finances publiques. Ainsi, aucun moyen pour le citoyen de savoir s’il y a ou pas des manquements importants par rapport à l’ordonnancement comptable général de l’État, donc aucune responsabilité devant le contribuable-électeur.

La cassure profonde entre députés et citoyens, matérialisée par la perception négative des citoyens des députés et de l’Assemblée Nationale résulte de l’opacité de la vie parlementaire. Un manque d’informations des citoyens sur les activités des députés et sur le budget de l’assemblée nationale au cours des législatures successives depuis l’indépendance du Sénégal jusqu’à nos jours. Ainsi les sites Internet de l’Assemblée Nationale et du Journal Officiel­ ne présentent pas ou très peu d’informations sur les travaux parlementaires. Pourtant, l’article 66 de la constitution du Sénégal et les articles 64 et 96 du règlement intérieur de l’assemblée nationale stipulent que les comptes rendus in-extenso des débats ainsi que les documents parlementaires sont publiés au Journal officiel ou au Journal des débats.

En conclusion, l’accès à l’information parlementaire et sa compréhension constitue la cause profonde du décalage entre l’assemblée nationale, les députés et les citoyens.

2 – Justification

Les citoyens ont le droit de connaître les d’activité des députés qu’ils rémunèrent et qu’ils ont élu mais aussi le budget mis à leur disposition et son utilisation. Aussi les citoyens, base de la légitimité politique, doivent demander ce qui leur est dû : la communication juste de ce qui les concerne directement et surtout dont le suivi et la publication n’est préjudiciable à personne.

A ce titre, la responsabilité de l’assemblée nationale vis-à-vis ses citoyens et citoyennes permet aux citoyens et à la société civile de vérifier, d’examiner et de rester informée des activités du parlement.

Mais, une assemblée nationale ouverte et transparente, garante d’exigences démocratiques, n’est possible que si les sénégalais acceptent enfin de se comporter en citoyens responsables, et fassent vivre la démocratie, en ne se contentant pas de voter une fois tous les cinq ans, en râlant sur des députés dont ils ne cherchent pas à comprendre les contraintes.

En réponse à ces exigences citoyennes d’accès à l’information parlementaire, à la transparence budgétaire, des initiatives fortes capables d’assurer l’ouverture parlementaire doivent être conçues et mises en œuvre afin d’offrir aux populations le visage d'une institution républicaine, au service de l’intérêt général pour restaurer la confiance entre l’assemblée nationale et le Peuple Sénégalais.

L’ASUTIC, en sus des actions de terrain pour rapprocher les députés des citoyens, compte se saisir du numérique dans le but d’éclairer le citoyen sur le fonctionnement concret de l’assemblée nationale du Sénégal, afin de lui donner les moyens de demander à ses députés de rendre des comptes mais aussi pour améliorer la transparence de leurs actions, et renforcer la participation des citoyens.

Aussi, durant les cinq années de la 13e législature de 2017 à 2022, le projet «­Observatoire Citoyen de l’Assemblée Nationale­» en abrégé «­OCAN­» s’articulera autour des trois axes suivants­:

  1. Veille­: Suivi, contrôle du travail législatif­et transparence budgétaire;
  2. Médiation­: Facilitation de la concertation, collaboration députés, citoyens­;
  3. Plaidoyer: Promotion de la transparence et de la culture de la redevabilité, «­devoir de rendre compte­» des parlementaires.

La mise en place de l’observatoire citoyen de l’assemblée nationale du Sénégal, dont les activités sont totalement indépendantes de tout parti politique, se fera avec l’entrée en fonction de la 13e législature issue des élections du 30 Juillet 2017. Le projet s’étendra sur la durée de cinq ans de la législature (2017-2022). Ce sera le moment où jamais de changer radicalement le mode de fonctionnement de l'Assemblée Nationale, sans attendre que les nouveaux députés reprennent les mauvaises habitudes des anciens.